Depuis deux mois, la Fonderie de Bretagne est sujette aux débats entre la direction du Groupe Renault et les quelques 350 employés qui craignent de perdre leur emploi. En effet, suite à la crise sanitaire le marché de l’automobile a le moral dans les roues. Cela impacte par conséquent toute l’industrie qui y participe et entre autres, la FDB de Caudan (Morbihan). Face à un premier trimestre plus qu’insuffisant en terme de vente, le Groupe Renault annonce le 11 mars, par communiqué, chercher un repreneur.
Les acteurs de l’ombre de l’Automobile
Située non loin de Lorient, la Fonderie de Bretagne fabrique des bras de suspension, des collecteurs et coudes d’échappement, ainsi que des différentiels de boîte de vitesse. Depuis plus d’un an, la compétitivité de l’usine faiblit. C’est le constat que donne Marc Mortureux, directeur de la Plateforme de la filière automobile (PFA). En cause, un coût salarial trop onéreux ainsi que des impôts de production bien plus élevés qu’ailleurs. Si bien que certains constructeurs partent s’installer à l’étranger en Europe de l’Est, en Espagne, au Maghreb et même jusqu’au Brésil.
« Un comble pour des pièces de véhicules électriques » déclare Nicolas Guillemette, Délégué CGT. Une fatalité donc selon Jean-Marie Robert, secrétaire national de la CFDT métallurgie. « Avant le Covid, ils avaient décidé de ne plus produire en France la Clio et la 208, déplore-t-il. Cela devait faire passer le nombre de véhicules produits de 2,2 millions en 2019 à 1,7 million en 2020. »
Un dialogue de sourd
Le 22 mars, le Comité social et économique (CSE) organise une table ronde pour discuter des démarches et actions à mener. Le soir-même, les employés de la FDB appellent à la manifestation car ils estiment ne pas être écoutés et « dans le flou » quant à l’avenir de leur emploi, faute de repreneur. Le lendemain, plusieurs responsables syndicaux CGT ainsi que d’autres employés de l’usine hurlent à la grève. « Trahison et abandon » lit-on sur les banderoles. Rapidement, l’affaire est relayée et le député LREM, Jean-Michel Jacques, aborde la question de l’avenir du site à l’assemblée nationale. Plusieurs politiciens de l’extrême gauche ainsi que des militants des alentours de la commune rejoignent le mouvement. Plus d’un millier de manifestants (CGT, CFDT, UDB, PC, FI) bloquent l’usine.
On se sent « oubliés »
Les grèves partiels se poursuivent pendant plus d’un mois jusqu’au 26 avril. Ce jour-là, le gouvernement réunit « un comité stratégique de la filière automobile ». Suite à cette rencontre, les intéressés prévoient un fonds de 50 millions d’euros pour accompagner les salariés des fonderies en cas de licenciement. Le lendemain, les salariés apprennent la nouvelle et se déclarent « oubliés ». Maël Le Goff, secrétaire CGT fonderie, prend la parole et s’insurge : « Le gouvernement se plie au bon vouloir des constructeurs. Ils préfèrent augmenter leur marge en produisant à l’étranger et licencier en France ». Au cours de cette journée, sept membres de la direction sont « retenus » au sein des locaux afin d’ouvrir un dialogue. Ils sortiront à 22 h 30 sans un mot et sous les applaudissements moqueurs des employés.
Des employés « exaspérés »
Si aucun débordement n’a lieu, le lendemain marque un tournant. Cette fois-ci, toutes les voies de production sont coupées. « Aucune discussion n’est possible avec la direction. On a décidé de bloquer. Personne ne sort, aucune pièce ne sera expédiée, » annonce Maël Le Goff. Depuis ce jour l’usine est à l’arrêt. Fabrice Loher, maire de Lorient et président de Lorient Agglomération déclare être déçu des actions menées mais comprend « l’exaspération » que peuvent ressentir les employés : « Il faut avoir toutes les options sur la table. Je pense qu’un repreneur permettrait de garantir les emplois. Ca c’est ma priorité. »
Un compromis pour le 10 mai ?
Pour l’instant, le statu quo demeure à l’usine de Caudan. Les têtes des rassemblements ouvriers comme Maël le Goff, Nicolas Guillemette et Jean-Marie Robert sont en attente de discussion avec les responsables Renault et les élus régionaux et nationaux. L’usine rénovée en mai 2019 suite un incendie est, avec son personnel qualifié, pleinement capable d’assumer les nouveaux enjeux de production avec les pièces dédiées aux véhicules hybrides et/ou électriques. Selon les syndicats d’ouvriers il faut d’une part « arrêter les délocalisations » et d’autre part « imposer une taxe carbone aux pièces importées, y compris au sein de l’Europe », rapporte Jean-Marie Robert. Selon Marc Mortureux (PFA), « la France doit attirer massivement les investissements » pour assurer la compétitivités de ses usines. Enfin, le maire de Lorient indique que les négociations entre les fondeurs et les représentants du Groupe (dont Luca de Meo) débuteront le 10 mai pour respecter le cadre juridique.
[post-carousel id= »2784″]